
musée d'histoire
post-naturelLE

ÉTINCELLE
L'étincelle de la vie
Chaque animal débute son existence par un paradoxe. Il commence sous la forme d’un œuf fécondé — une cellule unique destinée à devenir un organisme complet — alors même que son propre ADN demeure silencieux. Durant les tout premiers instants de la vie, l’embryon dépend entièrement des composants moléculaires hérités de la mère pour orchestrer ses premières divisions cellulaires. Puis, après un court laps de temps — de quelques heures à quelques jours selon les espèces — un phénomène extraordinaire se produit : le génome s’éveille peu à peu. L’organisme commence alors à diriger sa propre croissance, passant de la dépendance maternelle à un développement autonome. Cette transition est appelée activation du génome zygotique.
Ce phénomène universel est fascinant à bien des égards. Pour découvrir ce qui déclenche l’activation du génome — et pour comprendre les principes plus généraux du développement et des maladies — les scientifiques se tournent vers un très petit nombre d’espèces dites modèles, comme la souris, le rat ou la drosophile. En 1972, George Streisinger, de l’Université de l’Oregon, ajoute un nouveau membre à cette liste. Il cherchait une alternative à la souris. Aquariophile passionné, il trouve sa réponse lors d’une visite d'une animalerie de la ville d'Eugene dans l’Oregon : le modeste poisson-zèbre (Danio rerio).
Poisson-zèbre casper, résident du Centre intégratif de Génomique (UNIL). Sa transparence permet de le distinguer facilement des lignées transgéniques qui, elles, ressemblent à des poissons de type sauvage.


Poisson-zèbre génétiquement modifié (lignée pou5f3:3xflag)
Au fil des décennies, ce petit poisson rayé s’est révélé un outil indispensable pour étudier les grandes questions du développement, notamment l’activation génomique zygotique. Les scientifiques se servent des poissons-zèbres pour explorer la machinerie moléculaire qui contrôle le moment et la manière dont les gènes s’allument et s’éteignent au cours de cette transition cruciale — autant de mécanismes indispensables au développement normal et qui, lorsqu’ils se dérèglent, conduisent à l’apparition de maladies. Ils peuvent générer des mutations et observer ce qui se passe lorsque certaines protéines sont absentes, présentes en quantité réduite ou ont perdu leur fonction normale.
Prenons par exemple pou5f3, une protéine qui régule le potentiel de développement de l’embryon et active le génome. Les chercheurs peuvent marquer ces protéines avec des traceurs moléculaires pour suivre leur localisation et leur comportement au sein des cellules. Cela permet de révéler les mécanismes fondamentaux en jeu : comment les protéines s’assemblent sur l’ADN, la séquence d’événements qui se déroulent, et ce qui les guide pour activer le génome juste au bon moment. Ces expériences mettent en lumière cet instant unique où le génome de chaque animal s’anime pour la première fois à l’étincelle de la vie.
Originaire des rizières asiatiques, le poisson-zèbre vit désormais aussi dans des bacs d'élevage de laboratoire. Centre intégratif de génomique,
Université de Lausanne.

