musée d'histoire
post-naturelLE
Généalogie
Préface à
une généalogie
du post-naturel
par Richard W. Pell & Lauren B. Allen
Traduit de l'anglais par Gwénaëlle Janiaud
Texte original paru dans Intercalations 2 : Land & Animal & Non-Animal, ouvrage co-édité par Anna-Sophie Springer & Etienne Turpin, publié par K. Verlag et la Haus der Kulturen der Welt, Berlin. 2015. Rendu possible grâce à la fondation Scherling.
L'Anthropocène
et le post-naturel
¨Fig. 1 - Dugway Proving Ground.
Crédit : Center for PostNatural History.
L’« Anthropocène » a tout d’abord été proposé comme étant une nouvelle époque géologique définie par les changements provoqués par les êtres humains sur l’ordre mondial atmosphérique et géologique. Dès lors, cette époque géologique a été adoptée par les sciences naturelles, les sciences sociales et les humanités. Le terme est utilisé pour décrire les modifications de grande ampleur effectuées sur l’environnement et l’écologie au moyen de la déforestation, de l’extinction des espèces, des changements atmosphériques, des transformations du paysage et de la propagation d’espèces invasives. Actuellement, il n’existe aucun consensus sur la date exacte du début de l’Anthropocène, mais certaines propositions comprennent le début de l’agriculture, les premières preuves géologiques de l’activité humaine, la révolution industrielle, le développement de la production d’énergie d’origine non-solaire et le début de la contamination radioactive.
Dans cet article, nous présenterons une brève histoire de l’Anthropocène à travers l’exemple d’une petite ville de l’ouest des Etats-Unis et nous introduirons le concept du «post-naturel», une interaction biologique particulière entre les humains et notre environnement, que nous proposons comme perspective d’analyse de la notion de l’«Anthropocène» au sens large.
Au premier regard, Wendover (Utah) ne semble pas être la première destination pour étudier l’Anthropocène, mais cette petite ville perdue dans le désert à la frontière de l’Utah et du Nevada porte les marques de plusieurs milliers d’années d’activités humaines. Tout autour de Wendover, des matériaux sont extraits de la terre ou y sont injectés à proportion égale de manière poétique. Des roches, des minéraux et du sel sont extraits du fond millénaire du Grand Lac Salé dans diverses exploitations à ciel ouvert. Si l'on reste sur l’autoroute, plus loin, des entreprises de traitement des déchets toxiques et radioactifs pratiquent le « réenfouissement minier » (reverse-mining), en insérant les matériaux indésirables provenant de tout le pays dans la terre, tandis que l’entreprise d’élimination des déchets chimiques Tooele Chemical Agent Disposal Facility incinère les stocks d'armes chimiques du pays, libérant ainsi des particules dans l’atmosphère.
L’étendue du « vide » dans cette région attire des activités qui profitent de son isolement. La frontière sud de Wendover touche l’Utah Test and Training Range qui fait partie d’une immense zone militaire interdite au public incluant le Dugway Proving Ground, le plus grand site d’essais à l’air libre pour les armes chimiques et biologiques. Quelques kilomètres plus au sud et plus à l’ouest de la zone militaire, les débris d’un avion expérimental jonchent le désert de petits morceaux de titane.
Fig. 2 - Grotte de Danger. Wendover, Utah .
Crédit : Center for PostNatural History.
Cette zone sert aussi de site d'atterrissage pour les missions de retour d’échantillons venant de l’espace. En 2004, la mission Genesis a collecté des particules solaires[1] produites par le soleil puis a tenté de les ramener sur Terre. Cependant, les parachutes de la sonde n’ont pas réussi à s’ouvrir, ce qui a provoqué un événement géologique rare quand la capsule en métal de poussière solaire a été injectée directement dans la croûte terrestre.
Lors de la Seconde guerre mondiale, la base aérienne de Wendover faisait partie du projet Manhattan, l’opération top secrète qui a développé la bombe atomique. C’est ici que l’équipage de l’avion bombardier Enola Gay s’est entraîné en vue du vol visant à larguer la première bombe atomique sur une zone peuplée. Le site d’essais des bombardements au sud de la base aérienne de Wendover est parsemé de cratères et de débris de modèles de démonstration non-nucléaires des premières bombes atomiques. Les radiations de ces essais de bombes atomiques, ainsi que des essais postérieurs sur le site du Nevada, font partie des points de référence géologiques proposés pour le début de l’Anthropocène.
Tout en présentant nombre des symptômes contemporains habituels attribués à l’Anthropocène, Wendover est aussi le site de la première preuve de l’intervention humaine sur des systèmes biologiques en Amérique. Dans le débat sur les caractéristiques de l’« Anthropocène » mené actuellement par les scientifiques de la Royal Geographical Society (Société géographique royale), les modifications causées par les êtres humains sur la biologie et les gènes d’organismes vivants sont un exemple moins souvent évoqué de la manière dont nous avons modifié notre environnement. La première preuve de domestication en Amérique a eu lieu il y a 9000 ou 10 000 ans et a été trouvée dans la grotte de Danger près de Wendover : les os de chiens domestiqués ont été retrouvés enterrés près de restes humains[1]. La grotte contient des preuves d’une occupation humaine constante depuis le Paléolithique, jouissant alors d’une situation géographique attractive sur les rives du lac Bonneville. Aujourd’hui, ce site se trouve une centaine de mètres au-dessus du niveau du sol du désert aride de Bonneville Salt Flats. Des barres en acier destinées à empêcher les tentatives de réhabilitation de la grotte bloquent les intrus des temps modernes.
Des os de chiens domestiqués datant d’il y a 12 000 à 14 000 ans ont été retrouvés dans des grottes en Allemagne, en Israël-Palestine et en Irak et font partie des première preuves tangibles de domestication, et ce des milliers d’années avant que les êtres humains n’aient commencé à pratiquer l’agriculture. Les êtres humains ont fait de l’élevage sélectif et ont domestiqué une fraction relativement infime de l’ensemble de l’arbre de vie, en commençant par les chiens puis en développant l’agriculture, qui débute probablement avec la culture sélective du maïs. Ces organismes, qui ont été intentionnellement modifiés, ont été largement diffusés et possèdent maintenant un rôle essentiel pour soutenir et subvenir aux besoins de toute la culture humaine dans le monde entier. Ils nous nourrissent, nous aident dans notre travail, nous rassurent et sont sacrifiés dans notre intérêt.
Des générations de culture et d’élevage sélectifs, et plus récemment le génie génétique, ont radicalement modifié la morphologie et le comportement de ces formes de vie. Ces modifications délibérées du monde vivant viennent apporter une contribution aux preuves de l’Anthropocène et sont le pendant des modifications géologiques de notre planète dues à l’activité humaine, qui sont parmi les signes les plus fréquemment évoqués de l’Anthropocène.
Quand nous parlons du « post-naturel », nous évoquons les interventions anthropiques sur l’évolution qui sont à la fois intentionnelles et transmissibles, sans prendre en compte les conséquences non intentionnelles qui découlent de ces interventions. Le post-naturel n’est donc pas une période de la géohistoire de la Terre, mais un adjectif s’appuyant sur un concept utilisé pour décrire la modification délibérée et permanente des espèces vivantes par les êtres humains au moyen de la domestication, du génie génétique et de la biologie de synthèse. Les étapes de ce processus seront présentées en détail dans les prochains paragraphes. Le terme « post-naturel » est mobilisé en réponse à la conception de la nature qui est généralement présentée dans les musées d’histoire naturelle. Contrairement à cette image traditionnelle de la nature, nous utiliserons des spécimens et des documents de notre collection du Center for PostNatural History (Centre d’histoire post-naturelle) pour expliquer ce qu’est la vie post-naturelle dans l’Anthropocène.
étape 1
maîtrise de l’habitat
Fig. 3 - Rat albinos de la collection du CPNH..
Crédit : Center for PostNatural History.
Les modifications post-naturelles débutent quand l’être humain prend la responsabilité de l’habitat d’autres espèces. En cohabitant ou en construisant une barrière pour le protéger des prédateurs, les êtres humains modifient l’influence de la sélection « naturelle » sur l’organisme, d’où le terme « sélection artificielle ». Ceci permet à des caractéristiques physiques et à des comportements d’émerger, alors qu’ils auraient rapidement disparu à l’état sauvage en raison de la sélection naturelle. Par exemple, les animaux élevés en captivité sont beaucoup plus susceptibles de présenter la fourrure blanche caractéristique de l’albinisme que leurs homologues « naturels » ou sauvages.
Au début du XIXe siècle, les rats étaient élevés en captivité pour des combats d’animaux sanglants que l’on appelait « rat-baiting ». Ce divertissement a été créé à une époque où les grandes villes telles que Londres ou New York étaient infestées par les rats à un degré sans précédent. Dans des tavernes sombres, des hommes se rassemblaient autour d’un large enclos en bois et pariaient sur le temps qu’il faudrait à un chien pour tuer cent rats. Développé comme stratégie de dératisation entrepreneuriale, ce sport était devenu si populaire qu’il a malencontreusement produit un élevage de rats à but lucratif.
Occasionnellement, un rat albinos naissait et était mis de côté comme une curiosité. À l’état sauvage, sa fourrure d’un blanc marquant sur le sol sombre en fait une proie facile pour un prédateur, mais dans l’habitat post-naturel d’un éleveur de rats, la nouveauté que représentait le spécimen albinos pouvait permettre d’échapper aux chiens.
Rapidement, les rats blancs, propres en apparence, n’ont plus été associés à la saleté et à la peste et sont devenus des animaux domestiques dans la maison de femmes victoriennes qui les ont renommés « fancy rats ». L’élevage des rats domestiques était une activité populaire au XIXe siècle et les « ratophiles » vénéraient l’esthétique de nouvelles couleurs et motifs du pelage qui ressortaient du « mélange » de rats noirs, bruns et albinos. Plus tard, en 1900, la redécouverte de la génétique mendélienne a révolutionné la vitesse à laquelle un organisme pouvait être modifié par l’élevage sélectif.
étape 2
contrôle de la reproduction
Fig. 4 - Comparaison des caractéristiques du bouledogue à cinquante ans d’écart.
Crédit : Illustration de Blasco Family Bulldogs.
Fig. 5 - Souris C57BL6 de la collection du CPNH. Crédit : Center for PostNatural History.
L’élevage accélère radicalement les modifications post-naturelles. En cultivant des plantes ou en élevant des animaux en captivité, les êtres humains jouent le rôle de conservateurs dans la vie reproductive d’autres espèces. Que ce soit pour le bétail, les fleurs ornementales, les légumes ou les animaux domestiques, les êtres humains peuvent augmenter la probabilité que certaines caractéristiques se stabilisent dans une population et ainsi accélérer le rythme des modifications. Les chiens pure race sont un des meilleurs exemples de ce phénomène car ils possèdent des caractéristiques qui étaient, il y a un siècle encore, des marqueurs subtils d’une race très appréciée, mais qui se sont rapidement transformées en exagérations grossières. Les concepts eugéniques de pureté de la race persistent encore parmi certains éleveurs canins, lesquels abattent ou stérilisent tous les chiens qui ne présentent pas toutes les caractéristiques décrites dans les livres spécialisés comme étant des marqueurs des « chiens pure race ». Dans certains cas, les caractéristiques acquises par une forte consanguinité, mais recevant de nombreux prix, mettent la santé même de l’animal en danger. Par exemple, le squelette des bouledogues anglais a tellement grandi ces cent dernières années que la plupart des femelles ne peuvent plus mettre bas qu’au moyen d’une césarienne.
Le Cavalier King Charles Spaniel, un chien de race populaire au Royaume-Uni, en est un autre exemple. C’est un chien qui a un fort degré de consanguinité et souffre grandement de la syringomyélie, une maladie caractérisée par un cerveau trop grand pour le crâne du chien. Les chercheurs ont relié la majorité des Cavalier King Charles Spaniels souffrant de cette maladie à une seule chienne née en 1956 et aux deux chiots qui sont nés lors de son unique portée[2].
Parmi les organismes de laboratoire, le processus d’élevage est devenu une pratique extraordinairement quantifiée et systématisée. L’espèce de souris de laboratoire la plus répandue dans le monde est la « C57 black 6 » vendue par les laboratoires Jackson de Bar Harbor dans le Maine. Cette souris est utilisée dans les études génétiques du monde entier, par exemple par l’European Conditional Mouse Mutagenesis Program (le programme européen de mutagenèse conditionnelle de la souris), dans le cadre duquel, pour chaque gène du génome des souris, une variété de souris est créée avec ce gène en moins[3]. Les souris C57BL6, comme elles sont nommées, ont toutes de très forts liens de parenté entre elles car elles ont été soigneusement obtenues par un grand nombre de croisements consanguins afin de se ressembler génétiquement le plus possible.
Si nous prenons deux membres de la famille C57BL6 pouvant être issus du monde entier, et si nous retraçons leurs arbres généalogiques jusqu’à leurs parents, grands-parents et arrière-grands-parents, les deux arbres généalogiques finissent par converger. Plus exactement, ils vont remonter à une souris femelle noire qui a été vendue dans l’animalerie de Miss Abbie Lathrop à Granby, dans le Massachussetts, en 1921[4]. Cette souris portait le numéro 57. Elle a été achetée par le fondateur des laboratoires Jackson, le Dr. C.C. Little, à l’origine de la lettre C dans le nom de la souris. Ces souris ont par la suite été élevées et conçues pour être porteuses de maladies humaines telles que le cancer, la calvitie, l’obésité, la dépression, l’anxiété, la maladie de Parkinson, entre autres.
La raison pour laquelle Little a choisi d’acheter une souris dans une animalerie plutôt que d’en attraper une dans la nature, est que les souris de l’animalerie de Lathrop étaient déjà différentes de leurs homologues sauvages. Les éleveurs amateurs de « fancy mice » choisissaient déjà les caractéristiques qu’ils trouvaient belles ou intéressantes depuis plusieurs générations ; pour cette raison, les souris présentaient des signes évidents d’interventions humaines, tels que des couleurs ou des motifs de pelage inhabituels. Certaines espèces présentaient même des comportements étranges comme des tremblements ou des souris « dansantes ». Ces caractéristiques auraient facilement pu provoquer la mort de la souris à l’état sauvage, mais pour Little, elles étaient des preuves de gènes sous-jacents. Il a cherché à isoler ces caractéristiques en élevant des souris qui soient virtuellement identiques, permettant aux chercheurs du monde entier de comparer leurs résultats en utilisant des spécimens qui soient aussi standardisés que possible génétiquement. Little a constaté que, afin que la biologie soit compatible avec la reproductibilité requise par la méthode scientifique, l’objet de l’étude doit être standardisé. Les souris et tous les autres organismes expérimentaux qui ont suivis, devaient ainsi présenter des caractéristiques prévisibles, reproductibles et interchangeables.
La standardisation présente elle-même des défis. Des populations génétiquement identiques de cultures ou d’animaux sont des monocultures, où chaque spécimen a les mêmes risques d’être affecté par une maladie, même avec une large population. Une telle perte de la diversité génétique a été un facteur contribuant à la famine de la pomme de terre en Irlande : la première sorte de pommes de terre importée en Irlande depuis le Pérou ne possédait pas la diversité génétique nécessaire pour combattre les maladies. De fait, Michael Pollan affirme que les monocultures créées par l’agriculture industrialisée pourraient donner lieu à des résultats similaires à l’avenir[5].
étape 3
génie génétique
Fig. 6 - Sur la gauche, un embryon de souris après élimination du gène responsable de la formation des côtes. Sur la droite, un embryon de souris avec surexpression du gène responsable de la formation des côtes. Ces spécimens ont subi une technique appelée « clearing and staining » afin de pouvoir voir les os et le cartilage, qui ont été colorés, à travers la peau et les organes. Crédit : Center for PostNatural History.
Fig. 7 - L’entrée du Center for PostNatural History, avec Freckles, une des chèvres Biosteel d’origine. Crédit : Center for PostNatural History.
Avec le développement du génie génétique à la fin du XXe, le nombre de modifications post-naturelles a connu une augmentation considérable. Les scientifiques ne sont plus limités aux mutations émergentes ou restreints par les règles de l’élevage, mais sont maintenant capables de manipuler directement l’ADN des organismes. Une des premières techniques développées a été la capacité d’« activer » ou de « désactiver » un seul gène. « Éliminer » un gène, une pratique encore courante, est utile pour commencer à comprendre quelle est la fonction d’un gène particulier. Alors que la grande majorité des modifications d’un seul gène ne se manifeste pas par un organisme visiblement altéré, les gènes qui influencent la formation de structures lors des premiers stades du développement du corps peuvent avoir des effets considérables sur l’apparence d’un organisme. Par exemple, dans le laboratoire du Dr. Moisés Mallo au Portugal, les gènes de développement responsables de la formation des structures, appelés gènes Hox, ont été modifiés chez des embryons de souris avec des résultats très divers.
Le génie génétique permet aussi d’intervertir des gènes entre des espèces différentes, ainsi que d’introduire des gènes entièrement synthétiques dans le génome d’un organisme. Dans le laboratoire du Dr. Randy Lewis, un chercheur en génétique de l’Université d’Etat de l’Utah, des chèvres laitières ont été transformées en « bio-usines » vivantes en vue d’une production à grande échelle de soie d’araignée. Ces chèvres, appelées « BioSteel goat », ont reçu les gènes qui permettent aux araignées de type araneidae de produire des fibres de soie d’araignée incroyablement fortes. La soie est générée dans les glandes mammaires des chèvres afin de pouvoir être extraite de leur lait, la soie étant par la suite filtrée et prélevée au moyen d’une seringue avant d’être enroulée sur une bobine. La soie pourra ensuite être tissée pour créer des tissus qui serviront de tendons de remplacement ou de matériaux pare-balles. Alors que les chèvres étaient à l’origine développées dans un but lucratif, le rendement s’est révélé ne pas être adapté à une production commerciale. Depuis, Lewis a élargi ses activités de recherche à la production de soie d’araignée par des bactéries, des luzernes et des vers à soie modifiés génétiquement afin de produire ces fibres réputées si fortes.
étape 4
Réensauvagement
Fig. 8 - Un châtaignier d’Amérique poussant au milieu d’une rue à Cambridge, Massachussets. Issue de la collection du Center for PostNatural History ; crédit photo : inconnu.
Fig. 9 - Une forêt de châtaignier d’Amérique ayant subi la brûlure du châtaignier. Crédit : photo de la Great
Smoky Mountains National Park Library.
Fig. 10 - La propagation des châtaigniers d’Amérique transgéniques a été permise grâce au clonage des cultures de tissus en laboratoire, identifiées par un autocollant en forme de
smiley jaune pour ne pas être confondues avec des cultures d’arbres non-transgéniques. Crédit : Center for PostNatural History.
La plupart des organismes génétiquement modifiés sont élevés en milieu confiné à l’accès restreint. À ce jour, les espèces qu’on a laissées intentionnellement sortir des laboratoires comprennent notamment des plantations d’arbres et des cultures industrielles, des poissons fluorescents ornementaux, des plantes résistantes aux maladies et des insectes expérimentaux modifiés afin de limiter les maladies humaines et les nuisibles pour les cultures. La tendance est au développement extensif d’organismes génétiquement modifiés dans des environnements moins clos. Une des premières plantes concernées est le châtaignier d’Amérique transgénique.
Avant le début du XXe siècle, un arbre sur quatre était un châtaignier d’Amérique dans la région des Appalaches en Amérique du Nord. Ces arbres iconiques atteignaient une taille extraordinaire et fournissaient des châtaignes et du bois très utiles. Cependant, une cargaison de bois de châtaigniers d’Asie provenant du Japon est arrivée aux États-Unis au tournant du XXe siècle et était porteuse d’un champignon contre lequel les châtaigniers d’Amérique n’étaient pas adaptés. Peu après, la brûlure du châtaignier avait décimé presque tous les châtaigniers d’Amérique adultes.
L’American Chestnut Research and Restoration Project (projet de recherche et de restauration des châtaigniers d’Amérique) utilise les techniques de génie génétique afin d’essayer de produire des jeunes arbres capables de résister à la brûlure du châtaignier. Dans leur laboratoire du SUNY Environmental Science and Forestry program (programme SUNY des sciences environnementales et de la foresterie) à Syracuse, dans l'État de New York, Dr. Charles Maynard et Dr. William Powell cultivent des châtaigniers à partir de cultures de cellules et essayent de leur transmettre les gènes qui, ils espèrent, pourraient leur permettre de résister à ce champignon. Le cycle de vie lent des arbres complique les méthodes de génie génétique qui reposent souvent sur de multiples tentatives sur plusieurs générations. En raison de la crainte qu’une réaction négative du public due au « yuck factor » ou facteur beurk puisse faire avorter leurs recherches, les scientifiques ont pris soin de choisir les gènes de plantes fortement apparentées plutôt que d’animaux éloignés. En Occident, mélanger des espèces différentes fait écho à de forts éléments culturels, et notamment aux monstres et aux démons, et qui persistent aujourd’hui dans les discours autour des organismes génétiquement modifiés.
Au moment de cette publication, l’habitat des châtaigniers d’Amérique transgéniques comprenait un nombre de bosquets classés ou non à des emplacements stratégiques dans l'État de New York, notamment dans le New York Botanical Garden (jardin botanique de New York) dans le Bronx. Ces lieux sont souvent dissimulés pour protéger les fruits de coûteuses recherches d’actes de sabotage et autres dangers. La recherche est financée par un consortium inhabituel regroupant des intérêts écologiques et commerciaux, dont ArborGen, une entreprise qui utilise l’élevage et les technologies transgéniques pour produire des arbres principalement pour l’industrie du bois et du papier.
Habitats
autorisés
Fig. 11 - Une vue de la visualisation géographique des habitats autorisés entre 1987 et 2006,
créée par Paolo Pedercini pour le CPNH. Crédit : Center for PostNatural History.
Fig. 12 - Site d’essais de Monsanto à Kihei, Hawaï. Crédit : Center for PostNatural History.
Fig. 13 - Champ gamma à Ibaraki, Japon. Crédit: photo de Google Earth.
Outre les organismes, les habitats créés par les êtres humains pour ces organismes ont aussi une signification post-naturelle. A quoi ressemble un habitat post-naturel ? Traditionnellement, l’habitat d’un organisme est défini par des phénomènes naturels tels que le climat et l’écologie. Dans le cas des organismes post-naturels, les habitats sont définis par des circonstances culturelles. Qu’ils soient définis par une clôture, une cage, une laisse, une maison, un site d’essais isolé, de grandes exploitations d’élevage intensif ou un laboratoire à pression de l’air négative, les habitats post-naturels sont des constructions culturelles humaines. Plus particulièrement, les organismes génétiquement modifiés sont étroitement contrôlés par la politique ainsi que par des réglementations et divers accords internationaux. Ils ont le droit d’exister dans certains pays et dans certains Etats, et dans d’autres non. Ils ont le droit d’exister dans certaines sortes d’installations de confinement, mais pas dans d’autres. Aux Etats-Unis, ils ont besoin d’une autorisation fédérale pour pouvoir traverser les frontières des Etats.
Dans une perspective post-naturelle, un document tel que la base de données des autorisations d’espèces transgéniques du US Animal and Plant Health Inspections Services (APHIS ; le Service d'inspection sanitaire des animaux et des végétaux des Etats-Unis) devient un catalogue unique des migrations et des habitats d’organismes génétiquement modifiés qui seraient sinon difficiles à différencier. Nous appelons ces zones documentées « habitats autorisés ». Une visualisation des données concernant les autorisations, qui sont cartographiées géographiquement, et de leur évolution dans le temps montre les régions des Etats-Unis qui fournissent le plus souvent un habitat à des fruits, des légumes et des céréales génétiquement modifiés. On y retrouve notamment les régions céréalières classiques de la « corn belt » telles que l’Iowa et le Missouri, particulièrement actives dans les cultures transgéniques, mais il y a aussi des surprises. Puerto Rico et Hawaï sont des régions particulièrement importantes dans l’exploitation respective de soja et de maïs génétiquement modifiés. Ces îles hébergent des habitats pour la production de variétés de « semences parentales » expérimentales qu’un grand nombre d’entreprises de biotechnologies utilisent par la suite, attirées par la possibilité de cultiver toute l’année et par l’isolement relatif par rapport aux cultures à fécondation croisée et aux interventions humaines.
Un grand nombre de détails spécifiques, tels que l’origine des transgènes avec lesquels les cultures ont été améliorées, sont soigneusement gardés secrets sous la mention « informations commerciales confidentielles » dans la base de données du US Animal and Plant Health Inspections Services (APHIS). De la même façon, les terrains d’essais où l’utilisation de plantes transgéniques est autorisée, sont confinés. Les habitats de cultures ayant subi des modifications génétiques sont délimités par des clôtures de protection et une région tampon où la vie ne se développe pas entoure ce périmètre. Les plantes elles-mêmes ne sont pas autorisées à quitter ces sites ; de la même façon, les êtres humains non autorisés n’ont pas le droit d’y entrer.
Il est possible de mieux comprendre certains habitats post-naturels si on les regarde du dessus. L’Institute for Radiation Breeding Gamma Field (Institut d’irradiation des cultures aux rayons gamma) de la préfecture d’Ibaraki au Japon est une ferme d’apparence circulaire faite de cercles concentriques autour d’une tour centrale. La tour contient un cylindre en plomb rétractable afin d’exposer un élément de cobalt-60, qui est radioactif, à la végétation environnante, ce qui augmente le nombre de mutations naturelles des plantes et provoque ainsi des modifications aléatoires de leur ADN. Les chercheurs inspectent périodiquement les cultures à la recherche de nouvelles caractéristiques souhaitables telles que la capacité d’adaptation aux sols pauvres ou l’apparition de nouvelles couleurs ou formes.
Des champs gamma ont été créés dans beaucoup de pays depuis les années 50, alors qu’ils étaient considérés comme une étape importante pour développer des utilisations de la radioactivité pacifiques et acceptables pour la population. Depuis, ils ont été bien reçus dans les pays en développement, avec la construction d’installations au Bangladesh, au Brésil, en Chine, au Costa Rica, en Egypte, au Ghana, en Inde, en Indonésie, au Japon, au Kenya, au Nigéria, au Pakistan, au Pérou, au Sri Lanka, au Soudan, en Thaïlande et au Viêtnam[6]. Les fermes gamma ont été à l’origine de plusieurs aliments maintenant ordinaires tels que le pomelo rio red, le riz calrose 76 et du cacao résistant aux maladies, entre autres[7].
Si Wendover (Utah) était le point de départ d’une généalogie du post-naturel, cet endroit peut aussi donner une idée de la fin. Au Sud de Wendover se trouve Dugway Proving Ground, le plus grand centre de tests des armes chimiques et biologiques des Etats-Unis. Pendant les années 50 et 60, des exercices militaires élaborés ont eu lieux à Dugway qui impliquaient d’exposer des agents pathogènes vivants à des sujets humains ou non humains.
Les tests, qui étaient principalement effectués la nuit, incluaient de grandes tours et des avions vaporisant des nuages de tularémie, de fièvre Q ou de fièvre charbonneuse sur des grilles expérimentales tracées dans le sol du désert. Ces bactéries étaient le produit de décennies d’études laboratoires et de culture sélective à la recherche de caractéristiques particulières telles que la capacité d’être en suspension dans l’air ou de survivre dans des conditions particulières. Selon la nature du test, les grilles étaient peuplées de souris, de rats, de cochons d’Inde, de moutons, de singes rhésus et, à plusieurs occasions, d’êtres humains.
Lors du projet Whitecoat, des volontaires de l’Église adventiste du septième jour de la ville de Frederick, Maryland, ont été amenés par avion à Dugway, où ils ont été conduits de nuit en bus sur les sites de tests dans le désert. Chaque sujet devait rester assis sur une chaise, toutes les chaises étaient placées à intervalle régulier les unes des autres et séparées par des distances importantes. Les sujets avaient reçu comme instruction de « respirer normalement » quand ils entendraient le son des pulvérisateurs au loin. Après le test, les sujets étaient récupérés par des bus, mais le conducteur portait cette fois une combinaison de confinement pour le protéger des volontaires qui étaient maintenant potentiellement pathogènes. Les sujets ont été ramenés par avion à Frederick où ils ont été placés en quarantaine au Fort Detrick et surveillés à la recherche de tout signe de maladie. Si cela fonctionnait, les sujets devenaient malades pendant plusieurs jours puis guérissaient. La maladie à laquelle ils ont été exposés, la fièvre Q, devait être utilisée comme arme biologique qui pourrait rendre malade et indisposer une population pendant une certaine période sans provoquer de pertes humaines massives. Dans des conditions normales, la maladie présente un taux de mortalité d’un sur trente[8].
Depuis l’interdiction des armes chimiques et biologiques au début des années 70, la mission de Dugway n’est plus de développer des armes mais de tester des équipements de protection. Aujourd’hui, le site abrite certaines des plus grandes installations des Etats-Unis pour développer et pulvériser des bactéries et des virus pathogènes et conserve un dépôt contenant un grand nombre de microbes mortels sur le site. Tout au long de son histoire, Dugway a servi de parc de catastrophes circonscrites, dans lequel des scénarios catastrophes sont sans cesse rejoués. Le site se trouve en état de constante préparation face à des apocalypses anthropogènes. C’est l’habitat post-naturel par excellence, dans lequel la peur est le principal moteur de la sélection. Que la fin de l’histoire du post-naturel puisse débuter ici ou non, ce site est un remarquable hommage exemplaire à la capacité d’imagination en termes de fin.
Modifications
des êtres humains
Il est important de rappeler que les modifications post-naturelles ne sont pas unidirectionnelles. Nous ne sculptons pas simplement le monde comme nous le voulons, puis nous arrêtons là. Notre environnement aussi est constamment en train de nous sculpter ; les modifications que nous apportons à des organismes ont des conséquences sur le comportement des humains. Dans presque tous les cas, les modifications que les humains ont apportées à un organisme nous résistent et inspirent d’autres modifications dans la constitution de l’être humain. Si nous revenons aux débuts de l’histoire post-naturelle, la domestication des chiens pas les êtres humains a très probablement eu lieu en parallèle de la découverte de la chasse en meute, une pratique que les loups maîtrisaient bien avant que les êtres humains modernes n’entrent en scène. Rien d’anormal donc à se demander dans quelle mesure les humains ont été domestiqués par les chiens.
De même, le développement de l’agriculture a permis aux êtres humains de vivre dans des zones plus densément peuplées que jamais. Ensuite, nous avons commencé à faire des provisions de nourriture. Les graines étaient partagées et sont devenus des objets de commerce et par ce moyen, les plantes, que nous pensions contrôler, nous ont rapidement amenés à les emporter dans le monde entier. Avec l’accroissement de nos communautés sédentarisées depuis peu, nos besoins de défendre nos ressources augmentent également. Les chats ont trouvé un emploi en attrapant les rongeurs qui pillaient nos stocks de graines, ce qui représente un partenariat opportun qui se poursuit encore aujourd’hui. Plus tard, les rongeurs nous ont poussés à les propager dans des laboratoires très onéreux où nous leur faisons ensuite subir toutes formes imaginables d’afflictions génétiques.
Chaque être vivant que nos prédécesseurs ou nous-même avons modifié nous a aussi modifiés. En raison de notre obsession pour les races de chien inhabituelles, nous avons créé un habitat tellement spécialisé que certaines de ces espèces ne peuvent exister qu’avec notre aide. Les différents régimes de culture et d’élevage sélectifs, la semence en vente par correspondance, et l’insémination artificielle utilisée pour des espèces spécialisées de chiens, de cochons, et de bétail, ont donné à l’homme un travail si essentiel qu’il provoquerait l’extinction immédiate de ces espèces si nous ne le faisions pas. Et la liste des races animales qui ne peuvent plus se reproduire sans intervention humaine continue de s’allonger : maïs, bouledogues anglais, bovins blanc bleu belge ne sont que quelques-uns des organismes qui nécessitent d’être l’aide des êtres humains, qui deviennent des conseillers sexuels inter-espèces et des sages-femmes
L’empreinte post-naturelle
Alors que nous avons commencé par démontrer qu’il existe une composante biologique et génétique dans l’Anthropocène, nous aimerions terminer par une discussion sur l’influence du post-naturel jusque sur les strates géologiques de l’Anthropocène. Son empreinte sur le paysage, qui découle de la domestication et de la modification industrielle des cultures vivrières, peut être facilement observée depuis un satellite en orbite autour de la Terre. Dans les plaines continentales comme dans les déserts arides, on peut observer des motifs répétés de cercles verts sur une grille. Ils sont la marque de fabrique des systèmes d’irrigation automatisés et sont aussi le produit de cultures sélectionnées pour exister à forte densité et pour proliférer dans des sols pauvres. Ce sont des monocultures symptomatiques des canaux économiques qui les produisent, et déterminées par la mécanisation qui définit leur habitat. Ces cultures doivent être de même taille et atteindre au même moment leur maturité ; en effet, l’uniformité est une qualité essentielle de l’agriculture industrialisée.
Si nous pouvions pointer notre satellite sur l’embouchure du Mississippi, un fleuve qui parcourt la moitié du continent d’Amérique du Nord, nous pourrions voir une marque visible de l’agriculture industrielle : l’énorme prolifération d’algues qui apparaît périodiquement en raison de l’intensité du ruissellement des engrais provenant des terres cultivées américaines. Afin d’obtenir les récoltes dont nous avons maintenant besoin, les plantes cultivées par les êtres humains requièrent que leur sol soit régulièrement traité avec de l’ammoniac synthétique qui « fixe » les atomes d’azote pour produire un composé de l’azote qui puisse être utilisé comme engrais[9]. Avant la découverte du procédé Haber-Bosch pour synthétiser l’ammoniac il y a plus de cent ans, il existait des limites naturelles concernant la quantité de nourriture pouvant être produite par hectare, ce qui limitait par conséquence le nombre de personnes qui pouvaient s’en nourrir. Depuis l’introduction des engrais synthétiques, la population mondiale a quadruplé ; nous vivons maintenant en nous appuyant sur un système agricole qui dépend entièrement des combustibles fossiles avec leurs propres impacts et leurs propres contributions géologiques pour l’Anthropocène.
Les cultures produites en utilisant des combustibles fossiles et des techniques issues de l’agriculture industrielle sont ensuite utilisées pour nourrir le bétail dans de grandes exploitations d’élevage intensif. Ces exploitations permettent d’élever des animaux à plus forte densité, qui deviennent plus grands que ce que l’on aurait pu imaginer il y a encore quelques décennies, à l’instar des matières premières agricoles. L’uniformité règne toujours puisque les animaux doivent avoir les dimensions du matériel de transformation utilisé pour passer des abattoirs aux établissements de restauration pour les êtres humains. Depuis notre poste d’observation satellite anthropogène, ces grandes exploitations d’élevage intensif sont des moteurs produisant quantité de viande bon marché, de méthane, d’eaux usées et parfois de maladies[10]. Ils font partie d’une boucle de rétroaction qui à la fois répond aux désirs et en crée de nouveaux.
Les modifications post-naturelles sont le produit d’une renégociation compliquée entre désir humain, vitalité autonome des organismes vivants et simples contingences. Il est impossible de prévoir avec quelque précision quelle sera la conséquence d’un seul acte. Il est aussi impossible de séparer les modifications que nous apportons à la biologie d’un organisme, des modifications qui en découlent sur son écosystème. Elles se génèrent continuellement les unes les autres, alors que le désir de l’homme agit comme le combustible du moteur, ou l’azote dans le sol.
Pour conclure, nous avons revisité la différence de base qui existe entre ce que nous appelons le post-naturel et ce qui est généralement décrit comme étant l’Anthropocène. Même si ce sont deux concepts qui sont en lien avec l’influence humaine sur les écosystèmes terrestres, il serait tentant de les différencier selon les registres géologique et biologique. Cependant, le post-naturel est un concept spécifique qui ne peut pas être réduit à la dimension biologique de l’Anthropocène.
Comme nous l’avons expliqué auparavant, notre définition du post-naturel repose sur les modifications biologiques qui sont à la fois transmissibles et intentionnelles. La transmissibilité signifie que les modifications sont « en cours » selon la théorie de l’évolution. Dans ce sens, elles peuvent aussi être hors de notre contrôle. Elles peuvent avoir un effet boomerang et ainsi nous modifier, peut-être dans le cadre de l’évolution. Les mutations et la sélection naturelle se perpétueront quelle que soit l’intervention des êtres humains. Pour un organisme génétiquement modifié à l’état sauvage, la stratégie de confinement génétique d’hier devient un avantage adaptatif pour l’avenir.
En concentrant notre attention sur les modifications qui sont également intentionnelles, nous avons sélectionné un domaine de recherche spécifique qui se distingue du plus large débat ayant trait à l’Anthropocène. En adoptant cette perspective plus précise, nous pouvons avoir un aperçu de ce que les êtres humains veulent de la vie qui les entoure. Ce désir se concrétise, même si la marque de l’intention humaine, à cette échelle, échappe à toute identification dans les strates géologiques à venir. L’intention humaine est confuse et s’accompagne de conflits et contradictions internes qui émergent de l’interprétation d’œuvres culturelles. Ceci place le post-naturel hors du domaine de la science pure et, fait plus remarquable, le place dans la zone de la culture humaine.
Si nous devions proposer une place dans une bibliothèque pour le post-naturel, ce ne serait pas à côté de l’écologie, de la biologie, ou même de l’Anthropocène, mais ce serait dans un trou de ver qui disparaît et réapparaît paradoxalement à côté des livres sur les textiles, l’architecture, l’ingénierie, l’histoire militaire, l’agriculture, le design, la religion, les sports, la musique, l’art et l’érotisme. C’est une des plus vieilles formes de production culturelle, qui était déjà présente dans les cavernes de l’Age de pierre, dans nos appartements de location, dans nos jardins potagers biologiques et dans nos plantations industrielles. Nous ne pouvons pas plus l’éviter que nous ne pouvons nous éviter nous-mêmes.
Références
1. Jennifer Leonard, et al., « Ancient DNA Evidence for Old World Origin of New World Dogs », Science 298, no. 5598 (2002): 1613-16.
2. C. Rusbridge and S. P. Knowler, “Hereditary Aspects of Occipital Bone Hypoplasia and Syringomyelia (Chiari Type I Malformation) in Cavalier King Charles Spaniels,” The Veterinary Record 153, no. 4 (2003): 107–12.
3. Roland H. Friedel et al., “EUCOMM—the European Conditional Mouse Mutagenesis Program,” Briefings in Functional Genomics & Proteomics 6, no. 3 (2007): 180–85.
4. David P. Steensma, Robert A. Kyle, and Marc A. Shampo, “Abbie Lathrop, the ‘Mouse Woman of Granby’: Rodent Fancier and Accidental Genetics Pioneer,” Mayo Clinic Proceedings 85, no. 11 (2010): 83.
5. Michael Pollan, The Botany of Desire: A Plant’s-Eye View of the World (New York: Random House, 2001).
6. William J. Broad, “Useful Mutants, Bred with Radiation,” The New York Times, 28 August 2007.
7. B. S. Ahloowalia, M. Maluszynski, and K. Nichterlein, “Global Impact of Mutation-Derived Varieties,” Euphytica 135, no. 2 (2004): 187–204.
8. Ed Regis, The Biology of Doom: America’s Secret Germ Warfare Project (New York: Macmillan, 2000).
9. See John Gerrard and Michael A. Morris, “Corn Bomb: A Short History of Nitrogen 1660–2008,” Collapse VII: Culinary Materialism (July 2011): 85-118.
10. Stephanie Strom, “Virus Plagues the Pork Industry, and Environmentalists,” The New York Times, 14 July 2014.